Contrairement au schéma interactionniste qui constitue la perspective intellectuelle dans laquelle s’inscrivent à l’origine et se développent majoritairement les analyses de politiques publique, le schéma directionniste provient d’un cadre scientifique plus large : celui de la science politique, notamment dans ses études des élites et de l’espace public. Les notions explicitement spécifiées par les auteurs pour l’analyse des politiques publiques sont moins nombreux que dans le précédent.
Autre contraste entre ces deux types d’interprétation des politiques publiques : alors que le schéma interactionniste à un fondement microsociologique et se développe en passant des groupes restreints à la société globale, le schéma directionniste s’inspire d’abord de considération macrosociologiques qui furent importées ensuite dans des analyses plus sectorielles même si des tendances plus globales sont parfois évoquées (ex. : le tournant néo-libéral aujourd’hui).
D’une manière générale, le schéma directionniste souligne un phénomène de concentration (oligopolistique ou monopolistique) des ressources de pouvoir entre les mains de groupes sociaux dirigeant effectivement les politiques publiques notamment par l’imposition de conceptions politiques privilégiant certaines lectures de la réalité et certaines prescriptions qui orientent alors l’action publique.
Le schéma directionniste peut s’appuyer sur trois courants d’analyse relativement anciens, qui ne sont pas spécifiques à la sociologie des politiques publiques :
- Ce que Raymond Aron a nommé l’école élitiste d’inspiration machiavelienne (Pareto, Mosca, Michels, Mills...).
- Le courant marxiste dans ses diverses variantes (Gramsci, Althusser...).
- Et lles travaux plus récents sur le néo-corporatisme ou le référentiel (Schmitter, Lehmbruch, Jobert, Muller,....) issus, à l’origine, de la sociologie marxiste.
Le fait oligarchique — L’école élitiste soutien la thèse d’un séparation universelle des gouvernants et des gouvernés. Roberto Michels (Les partis politiques, 1914), étudiant le cas du parti social-démocrate allemand, énonce une « loi d’airain de l’oligarchie » s’imposant à toute organisation, tendant à une division entre minorité gouvernante et marjorité gouvernée. Les premiers seuls peuvent s’initier à tous les aspects de la vie politique et lui consacrer tout leur temps.
Gaetano Mosca (Éléments de science politique, 1896) pour sa part, constate que les minorités gouvernantes ne se réfèrent pas toutes à la même « formule politique » (doctrine de légitimation politique) mais qu’il en existe toujours une permettant aux gouvernés de croire qu’ils sont dirigés en fonction de principes moraux ou politiques.
Raymond Aron résume ces deux auteurs par une formule célèbre : Les formules changent (...) le fait oligarchique demeure
1.
La classe dirigeante — Le courant de la sociologie marxiste a lui aussi mis en exergue et, contrairement à certains élitistes, dénoncés, l’existence d’une élite dirigeante essentiellement économique dans les démocraties formelles.
Pour Antonio Gramsci (Écrits politiques, 1914-1920), chaque classe sociale secrète sa couche d’intellectuels organiques (Cf. la notion de « médiateurs » chez Muller) : la bourgeoisie a eu ainsi ses avocats, polémistes et doctrinaires légitimant le pouvoir dominant.
Louis Althusser (« Idéologie et appareils idéologiques d’État », 1970 2) montre que l’infrastructure garantit la perpétuation des rapports de production par des moyens de violence physique (police, armée) et symboliques (école...) permettant d’assurer une soumission des masses à l’ordre établi. D’autres variantes (Poulantzas) de la sociologie marxiste ont relativisé — sans l’abolir — cette détermination économique du politique pour expliquer notamment des trajectoires nationales différenciées.
Ces deux courants s’opposent — avec des motivations différentes — aux analyses pluralistes et conduisent à considérer que le pouvoir d’influence sur les décisions politiques est très inégalement réparti dans la population. S’ouvre alors un débat sur cette répartition et sur le modèle de structure du pouvoir le plus pertinent pour décrire les inégalités de la participation et de l’influence politiques.
Insérer schéma Structure du pouvoir et inégalités de participations dans la sociologie politique de l’action publique
Jérôme VALLUY‚ « Segment - La structure oligarchique (schéma directionniste) »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI - Version au 2 mai 2023‚ identifiant de la publication au format Web : 80