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SECTEUR COURANT DU MANUEL > TEDI - Transformations des États démocratiques industrialisés > Jérôme VALLUY    

  • Partie - Fondements des États démocratiques
  • Chapitre - Dynamiques sectorielles de l’action publique
    • Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique, Éditions du Seuil, 1964.
    • Jean-Gustave Padioleau, L’État au concret, PUF, 1982.
    • François Dupuy, Jean-Claude Thoenig, Sociologie de l’administration française, Armand Collin, 1983.
    • Jacques Chevallier, Science administrative, PUF, 1986.
    • Yves Mény, Jean-Claude Thoenig, Politiques publiques, PUF, 1989.

    Point de vue de Weber est situé :

    • Historiquement : fin XIXe siècle / État de droit / État prussien.
    • Sociologiquement : macro-sociologie historique de l’État.

    Si on déplace le point de vue 1) en le situant à la fin du XXe siècle, après le développement de l’État-providence (+ en France) et 2) en abordant « formalisation juridique » et « bureaucratisation » sous un regard de micro-sociologie de l’État et de l’action publique, on aboutit à une autre vision du droit et de la bureaucratie administrative dans l’action publique.

    Constat d’interdépendances entre les autorités publiques et les acteurs de la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre du droit = configurations complexes d’interdépendances (§1) où l’on ne sait plus bien qui gouverne… et où se pose sociologiquement la question du leadership politique (§2) et du rôle de l’opinion publique (§3)

  • Section - Divergence d’enjeux : gouvernabilité ? changement ?
  • Sous-section - Le problème de la gouvernabilité (schéma interactionniste)

    Le doute quant à la possibilité de gouverner nos sociétés par des politiques appropriés s’est fortement installé dans les analyses de politiques publiques à l’issue de très nombreuses recherches sur la mise en œuvre des politiques publiques. Toutes convergent vers ce constat récurrent : rien ne se passe tout à fait comme prévu. À tel point que l’on peut se demander si il y a lieu de parler de mise en œuvre pour évoquer des processus qui demeurent finalement aussi des processus décisionnels et décisifs (Cf. Segment - Les aléas de la mise en œuvre des politiques). Ces travaux vont fortement contribuer à poser le problème de la gouvernabilité (Cf. Segment - De l’ingouvernabilité au gouvernement partenarial : la gouvernance).

Segment - De l’ingouvernabilité au gouvernement partenarial : la gouvernance

I. À éditorialiser
A. En cours de rédaction


L’ensemble des travaux sur la mise en œuvre des politiques publiques viennent parachever l’analyse interactionniste des politiques publiques, s’ajouter aux constats précédents de fluidité du jeu d’acteur et de complexité cognitive pour exprimer un doute très fort sur la gouvernabilité des sociétés modernes. Mais je crois très important de souligner — contre un certain engouement à la mode autour de la notion de « gouvernance » — que ce doute n’a absolument rien de nouveau et qu’il n’a de sens que dans le cadre du schéma interactionniste des politiques publiques.

Gouvernabilité ? — La possibilité d’une coordination centrale efficace (gouvernementale) était déjà mise en doute par C.E. Lindblom en 1965 (The Intelligence of Democracy 1) pour quatre raisons :

  1. Personne ne peut avoir une vue d’ensemble, précise et exhaustive, de toutes les relations entre les diverses variables déterminant le cours d’une politique.
  2. Une décision raisonnée fondée sur des critères objectifs (adéquats et acceptés) est d’autant plus difficile à produire que les décideurs sont eux mêmes engagés dans la lutte politique.
  3. La possibilité d’une coordination centrale des diverses décisions et politiques sectorielles est limitée par la complexité des problèmes.
  4. La possibilité d’un pilotage centralisé est d’autant plus improbable que les processus de décision sont fragmentés et disjoints.

Le même doute quant à la gouvernabilité de nos société est exprimé dans un article de François Bourricaud : « À quelles conditions les sociétés postindustrielles sont-elles gouvernables ? » (article publié, ce n’est pas un hasard, dans un ouvrage sur « La démocratie pluraliste » 2). Cette question n’a de sens, j’y insiste, dans le cadre de ce schéma d’interprétation dont F. Bourricaud explicite un des présupposé fondamentaux :

J’écarte délibérément l’image d’une « société programmée », dont le fonctionnement serait conforme à un plan arrêté par des acteurs individuels ou collectifs, sachant ce qu’ils veulent et où ils vont 3.

Défaillances gouvernementales (governing failures) — Les deux textes précités s’inscrivent dans une réflexion globale sur le gouvernement de la société — notamment contre les postures marxistes ou technocratiques — mais le présupposé se retrouve dans les analyses sectorielles de processus décisionnels. Les travaux de Renate Mayntz mettent d’ailleurs l’accent sur les défaillances du gouvernement et repèrent quatre sources de problèmes ainsi résumées par Jean Leca :

(...) incapacité à mettre en vigueur la réglementation (implementation problem), refus des groupes (et parfois de la bureaucratie elle-même) de reconnaître la légitimité de celle-ci (motivation problem), mauvaise appréciation des relations de causalité reliant des moyens à des fins (problème des “théories d’action” insuffisantes, knowledge problem), abscence de compétence (au sens juridique) et d’instruments de gouvernement (governability problem, ou plutôt aussi problème institutionnel et de « qualité du droit ») 4.

Dépérissement de l’État — L’État apparaît comme un macrosystème sans véritable pilotage global. Cette représentation reflète, selon Bruno Jobert et Jean Leca critiquant l’ouvrage de Michel Crozier et Ehrard Friedberg, un véritable dépérissement de l’État 5 dans l’analyse sociologique que l’on retrouve également dans les analyses de Renate Mayntz :

Pour ce qui est de l’autorité centrale (remarque R. Mayntz) il faut bien voir que le secteur public n’est jamais un appareil parfaitement intégré ; il s’agit plutôt d’un macrosystème d’organisations extrêmement différencié, d’un réseau qui, s’il est plus ou moins hiérarchisé du fait qu’il existe des lignes verticales de communication, demeure cependant constitué, fondamentalement, d’éléments relativement autonomes. Le degré d’autonomie varie évidemment selon le système politique de l’État-nation 6.

On retrouve cette présentation de l’État éclaté dans l’ouvrage de François Dupuis et Jean-Claude Thoenig, au titre évocateur : L’administration en miettes (Fayard,1985).

Gouvernance (governance) — La notion de « gouvernance » est en quelque sorte le dernier développement en date du schéma interactionniste : le terme est nouveau mais les idées ne le sont pas. Il condense l’ensemble des observations inscrites dans ce schéma d’interprétation en associant un diagnostic du problème de gouvernabilité (fluidité polyarchique et complexité cognitive) et l’identification des solutions efficaces (ce que j’appellerai le gouvernement partenarial). Pierre Muller et Yves Surel résument efficacement les éléments du diagnostic :

  • La densité technique et la complexité de l’action publique s’accroissent : les choix publics nécessitent la prise en compte de données relevant d’univers scientifiques, techniques, économiques, sociaux ou politiques de plus en plus hétérogènes. = complexité cognitive
  • L’environnement socio-organisationnel de l’action publique est de plus en plus mouvant, fluide, incertain : chaque décision met en présence des acteurs aux statuts divers dont l’intégration brouille la frontière public/privé. = fluidité polyarchique
  • L’articulation entre les processus relevant de la “politique électorale” [J. Leca parle aussi de « politique du public », partisane, électorale, médiatique...] (...) d’une part et la “politique des problèmes” [formation des problèmes publics, représentation des groupes d’intérêt, processus de mise en œuvre des politiques] (...) d’autre part est de plus en plus problématique. On constate, en particulier, que la relation est de plus en plus lâche entre les exigences de la compétition électorale et les nécessités de la mise en œuvre des politiques publiques. = dissociation vie politique / politiques publiques

On observe l’insistance mise sur l’évolution dans le temps (« s’accroissent », « de plus en plus ») ; la gouvernance serait une situation nouvelle (ce qui me paraît faux ! des travaux antérieurs le montraient, la démonstration sociohistorique fait défaut par méconnaissance tendancielle du passé dans ces études de politique publique).

De ce diagnostic on passe, non pas aux prescriptions de la « bonne gouvernance » (Chirac) — les sociologues se défendent de renoncer à la neutralité axiologique — mais plus à l’identification des démarches efficaces. Je reprends le résumé de P. Muller et Y. Surel :

Dans ces conditions, la gouvernance apparaît bien comme un mode de gouvernement (...), dans lequel la mise en cohérence de l’action publique (construction des problèmes publics, des solutions envisageables et des formes de leur mise en œuvre) ne passe plus par l’action d’une élite politico-administrative relativement homogène et centralisée (qui tend à perdre, de ce fait, son relatif monopole dans la construction des matrices cognitives et normatives des politiques publiques), mais par la mise en place de forme de coordination multi-niveaux et multi-acteurs dont le résultat, toujours incertain dépend de la capacité des acteurs publics et privés à définir un espace de sens commun, à mobiliser des expertises d’origines divers et à mettre en place des formes de responsabilisation et de légitimation des décisions, à la fois dans l’univers de la politique électorale et dans l’univers de la politique des problèmes.

(ibid p. 97)

Les solutions réputées efficaces sont celles de la coordination, de l’échange et du compromis négocié, c’est-à-dire toutes les modes d’action de ce que j’ai appelé le gouvernement partenarial. Là encore rien de bien nouveau puisque cela était un point d’aboutissement des pluralistes Bentley, Truman, Dahl, Lindblom...

Jérôme VALLUY‚ « Segment - De l’ingouvernabilité au gouvernement partenarial : la gouvernance  »‚ in Transformations des États démocratiques industrialisés - TEDI  - Version au 3 mai 2023‚  identifiant de la publication au format Web : 87