- Partie - Expansion des objectifs et moyens de l’État
- Chapitre - Crise ou mutation des États-providence
Section - Le diagnostic de « crise » de l’État-providence
Tout le monde s’accorde sur au moins un point : la période concernée par cette discussion sur la « crise » de l’État-providence, c’est-à-dire les deux ou trois dernières décennies, est profondément marquée par le développement d’une crise économique de longue durée qui affecte non seulement les situations matérielles des individus mais également leurs modes de pensée et même, sous certains aspects, leur culture (Cf. évolutions du théâtre, de la mode, des arts plastiques, etc., pendant les crises et en sortie de crise) notamment en ce qui concerne le rôle de l’État dans la société. La relation entre crise économique et crise de l’État-providence est directe dans les critiques politiques et économiques néo-libérales et néo-social-démocrates de l’État-providence (Cf. Sous-section - Critiques économiques et politiques de l’État-providence (« néo-libéralisme », « troisième voie »...)) mais nous verrons qu’elle est aussi sous-jacente à toute l’analyse sociologique que fait un Pierre Rosanvallon de cette crise de l’État-providence (Cf. Sous-section - Un point de vue sociologique français : les analyses de Pierre Rosanvallon) et qu’elle aboutit à une remise en cause de la manière de gouverner : on parle alors d’une crise de la gouvernabilité que certains voient se résoudre dans l’émergence d’une nouvelle « gouvernance » en rupture avec celle qui aurait caractérisé l’ère de l’État-providence (Cf. Sous-section - Crise de gouvernabilité des États-providence et nouvelle gouvernance de ses politiques publiques).
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Sous-section - Critiques économiques et politiques de l’État-providence (« néolibéralisme », « troisième voie »...)
C’est dans ce contexte de crise économique que s’opère (notamment au milieu des années 1980) ce que Bruno Jobert nomme « le tournant néo-libéral » 1, parfaitement illustré en Grande-Bretagne par les politiques de Margaret Thatcher mais qui s’observe en fait dans à peu près tous les pays occidentaux (Cf. Segment - Le tournant néolibéral). Néanmoins, un deuxième mouvement moins connu et moins étudié que le précédent a lieu en contre-coup et plus tardivement (au milieu des années 1990) dans l’espace idéologique, traditionnellement anti-libéral, de la social-démocratie : c’est la « troisième voie » souvent identifiée aux programmes britanniques de Tony Blair 2 mais qui s’observe également dans le reste de l’Europe (Cf. Segment - La « troisième voie » : adaptation sociale-démocrate).
1 Bruno Jobert, Le tournant néo-libéral, L’Harmattan, 1993.
2 Tony Blair et Anthony Giddens, La troisième voie. Le renouveau de la social-démocratie, Éditions du Seuil, 2002.
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Sous-section - Un point de vue sociologique français : les analyses de Pierre Rosanvallon
Développée par Pierre Rosanvallon dans son livre La crise de l’État-providence 1, cette approche fait ressortir trois facteurs de déstabilisation actuelle de l’État-providence : la mise en cause des finalités poursuivies traditionnellement par cette forme d’État, l’apparition des limites dans la capacité de l’État-providence à produire de la solidarité, et la mise en cause du modèle théorique sur lequel repose le développement de l’État-providence.
1 Pierre Rosanvallon, La crise de l’État-providence, Éditions du Seuil, 1981.
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Sous-section - Crise de gouvernabilité des États-providence et nouvelle gouvernance de ses politiques publiques
Plutôt que d’illustrer le diagnostic de crise de l’État-providence par des cas de politiques publiques et la tendance au recul voire au démantèlement d’États-providence (privatisation, déréglementation, référentiel de marché, etc), j’aimerais prolonger la portée de ce diagnostic en vous en présentant une dimension supplémentaire qui concerne précisément les politiques publiques.
Mon point de départ sera un article particulièrement incisif d’un spécialiste de l’État-providence, François-Xavier Merrien, que j’ai déjà souvent utilisé 1. Je compléterai l’analyse à l’aide de mes propres travaux sur le thème de la gouvernance et de sa conceptualisation, notamment en sociologie du droit, en sociologie des organisations et en sociologie des politiques publiques.
1 François-Xavier Merrien, « De la gouvernance et des Etats-providence contemporains », Revue Internationale des Sciences Sociales, #155, mars 1998.